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Nouvelles ruralités urbaines
Communauté d’agglomération Roissy Pays-de-France

Campagne photographique Agriculture
Communauté d’agglomération Roissy Pays-de-France
2021-2022

Nouvelles ruralités urbaines en Pays-de-France

« La ruralité désigne l’ensemble de représentations collectives et de caractères concourant à une forme d’identité et de fonctionnement des espaces ruraux.”
Laurent Rieutort, « Du rural aux nouvelles ruralités », Revue internationale d’Éducation de Sèvres, Centre international d’études pédagogiques (CIEP), 2012, pp.43-52.

À l’invitation de la communauté d’agglomération de Roissy Pays-de-France, j’ai pu en 2021 et 2022 poursuivre sur ce territoire du nord de la métropole parisienne mes recherches d’actualisation des représentations de la ruralité quand elle se situe à proximité de la grande ville.

La métropole du Grand Paris, comme toutes les mégalopoles mondiales, devra intégrer dans ses réflexions la lourde question de l’alimentation de ses 12 millions d’habitants ; l’enjeu étant notamment la prise en compte des impératifs imposés par la situation écologique ainsi que des évolutions des modes de vie des urbains contemporains : désir d’accès à la propriété, envie de « nature », besoin de mobilité ou de confort numérique, nécessité de l’accès aux services publics, évolution des modes de consommation, etc.

Relever ce défi implique d’envisager une « hybridation consciente entre ville et agriculture, en développant en d’autres termes les moyens d’un urbanisme agricole » (Rémi Janin, La ville agricole, Openfield, 2017) dont un des enjeux serait le raccourcissement des circuits entre production et consommation. Cela implique donc notamment de modifier l’organisation des modes de production par la conversion d’une partie de l’agriculture céréalière (encore très présente aux limites de la « tâche urbaine », et ce parfois sans interface avec les zones bâties) vers de la production maraîchère, par la multiplication des zones de productions collectives, participatives ou solidaires, par l’augmentation des potagers privés ou partagés, ou encore par l’éclosion de projets technologiques innovants.

Il a été choisi de suivre sur deux années, au fil des saisons, la vie d’exploitations aux caractères très différents. La famille Lemoine pratique depuis 2 générations l’élevage bovin sur une bande de terre entre Arnouville et Garche-les-Gonesse. Guillaume et Nathalie Moret, sur la commune du Plessis-Gassot, sur des terres jouxtant une zone d’enfouissement de déchets de Véolia, font à la fois de la grande culture céréalière, de la production de fraises, de la cueillette plein champ et du miel. Fabrice Cuypers, maire de Thieux, pratique la grande culture céréalière, la betterave et la production de pommes de terre tandis que son épouse gère une pension pour chevaux. Laurent Chatelain, lui aussi, diversifie ses activités de pépiniériste en cherchant une viabilité financière dans le maraîchage bio ou en accueillant sous ses serres un programme de recherche en robotique agricole. Daniel Haquin maire de Juilly poursuit avec son beau-fils l’exploitation de la ferme Sainte-Marie sur plusieurs centaines d’hectares en céréales, mais, et betteraves. Autour de ces exploitations, j’ai pu également visiter une ferme de cueillette pleins champs ouverte au public à Compans et découvrir les silos céréaliers de la société Val’France à Saint-Mard.

L’expérience du terrain et les rencontres avec les agriculteurs et agricultrices m’ont montré que nos représentations séculaires de la ruralité sont bousculées par une époque paradoxale qui d’un côté intègre au travail de l’exploitant toujours plus de technicité et d’intelligence artificielle et de l’autre des demandes de consommateurs qui souhaitent de plus de proximité, d’interactivité, de transparence et d’authenticité. Chacun des agriculteurs rencontrés essaye de construire leur modèle éthique et économique dans cette époque qui subit de plein fouet les contraintes économiques d’une agriculture mondialisée, les changements climatiques et la perte de biodiversité. Leur situation d’acteurs du vivant et du paysage les place d’emblée au cœur des débats de société et des politiques publiques.

GM
01/2023